Dès lors qu’une personne évoque le besoin de prendre sa place, ou de l’avoir , elle parle de sa dynamique psycho-affective pour se positionner dans un contexte précis.
le fais de vouloir sa place, de ne pas l’avoir ou de ne pas se sentir à sa place traduit la souffrance de ne pas se sentir exister; ni dans son propre regard, ni dans celui de l’autre. Le degré de souffrance de l’individu est à la mesure de sa maturité affective et de son niveau de dépendance dans la relation.
Les niveaux de dépendance affective , de pensée et de conscience, peuvent s’évaluer, tous trois , sur un continuum qui va de la dépendance totale à la contre-dépendance, en passant par l’indépendance. Le niveau le plus mature correspondant à l’inter-dépendance systémique , perçu et ressenti par l’individu avec son environnement. L’analyse transactionnelle définit ce niveau comme étant la véritable autonomie.
L’autonomie affective donne la capacité à l’individu de pouvoir se satisfaire des signes de reconnaissance qu’il donne, s’attribue, sollicite, et accepte de recevoir. Mais il peut également les refuser ces signes lorsqu’ils ne lui conviennent pas. L’analyse transactionnelle appelle ces cinq options “l’économie de signe de reconnaissance”. Être autonome , c’est se sentir libre d’agir, de s’exprimer et de faire ce qui est possible , en s’adaptant à l’environnement.
Le degré d’autonomie correspond, quand à lui à la capacité à pouvoir discerner, relativiser, ajuster, et accepter les insatisfactions et les frustrations produites par des comportements ou des modes de communication. Elle ne valide pas pour autant ceux qui peuvent être néfastes à la relation.
Relativiser correspond à la capacité de chacun à dédramatiser, minimiser, dépassionner, faire la part des choses, garder la tête froide, mettre de la distance, prendre de la hauteur pour avoir le recul nécessaire qui permette de ne pas se laisser affecter , ni par la situation, ni par la relation.
La théorie psychologique du mécanisme de projection, comme Platon l’a décrit dans son mythe de la caverne, postule que ce sont nos représentations que l’on projette comme des ombres sur les autres qui sont pour nous comme les parois de la caverne. Le processus de projection, s’il est le même pour tous, présente la particularité que c’est le sens que chacun lui attribuerai fait la différence d’une personne à une autre.Ce qui n’enlève en rien la souffrance réelle que chacun peut ressentir. Les mettre en mots , les exprimer et le conscientiser semble être le seul moyen de changer celles qui sont projeté dans la relation et sur les situations.
Nos représentations sont ainsi le fruit de nos perceptions physique et psychiques. Elles contribuent à la sécurité que l’on développe lors de nos expériences relationnelles. Elles sont le résultat des interprétations, de l’éducation, des valeurs et des croyances culturelles acquises dans notre système d’appartenance. Nos représentations constituent notre vision scénique adaptative que l’on projette ensuite , inconsciemment, sur nos relations et sur les situations.
Le type de suradaptation à l’environnement signe la particularité de chaque personnalité. Elle est le fondement des apprentissages de la relation.
La maturité quant à elle est le résultat d’un processus de différenciation qui progressivement offre , à chacun , la possibilité de devenir acteur et responsable de la satisfaction de ses besoins, sans attendre que l’environnement change.
Si la sécurité psycho-affective résulte de la mise en oeuvre du lien d’attachement et de l’attention manifestée durant l’enfance , son absence partielle ou totale se à l’âge adulte. Le ressenti induit se traduit alors par un problème de place.
Cette souffrance trouve ses racines dans l’histoire de notre petite enfance. Elle demande à être revisité pour identifier les pensées et représentations qui l’activent. Si ce travail est relativement facile, modifier le ressenti kinesthésique reste cependant tributaire d’une attention soutenue qui demande du temps.
Cette souffrance , archaïque n’est ni facile à vivre pour la personne , ni pour son entourage. Elle se renforce , dés lors qu’une situation fait revivre à la personne cette sensation d’abandon , de rejet , de ne pas exister, et surtout dès lors qu’elle se sent ignoré, ou non prise en compte dans la relation.
Si la souffrance doit être validée et soutenue lors d’un travail thérapeutique , elle doit également être accompagnée d’un travail de renforcement de l’estime et de la confiance en soi , sans quoi , la personne continuera à ne pas se sentir à sa place.
Une bonne estime et une confiance en soi sont la clé de ce changement de vision.Pour y parvenir, il sera nécessaire d’aider l’individu à d’une pensée clivée à une pensée ambivalente et, si possible , à une pensée systémique. Il en sera de même au niveau affectif. L’individu sera accompagné vers l’indépendance , voir l’interdépendance , pour pouvoir agir librement.
Chaque type de personnalité utilise un canal de communication différent. L’analyse transactionnelle postule que c’est celui utilisé par l’individu qui colore et signe sa personnalité.
Elle nomme ces canaux des portes , et postule que chaque type de personnalité , bien qu’ayant accès à toutes , ne les utilise pas dans un même ordre. Ce concept de porte, développé par Paul Ware , précise que, selon la personnalité , il y a une porte dite d’accès , qui est celle apprise pour s’adapter , se relationnel et se sécuriser avec l’entourage. Cette prote conditionne le scénario relationnel.
Paul Ware dit que “ceux dont le cana principal est l’affectif , sont plus souvent identifiés comme des personnalités sociable, gentilles , serviables, souriantes , démonstratives ou hystériques, alors que d’autres dont la pensée sera le canal prédominant seront identifiés comme méthodiques , froids, logiques, obsessionnels,etc… et ceux dont ce sera l’action ou comportement comme personnes n’ayant peur de rien, faisant les 400 coups, audacieux , etc,,,”
Chacun , selon son canal, aura donc un certain nombre de qualités et de défauts spécifiques à sa personnalité, et tiendra plutôt compte des critères semblables aux siens pour satisfaire ses besoins de reconnaissance dans ses relations.
Cette porte , le praticien de l’accompagnement devra l’utiliser en l’adaptant et en l’ajustant à la demande s’il veut pouvoir faire alliance avec son client. Ainsi , ce dernier se sentira compris dans sa souffance.
Paul Ware nomme la seconde porte “porte visé”. Elle correspond au canal qui sera ensuite le plus facile d’accès pour l’individu, lequel lui permettra de modifier sa vision de la situation.
Par exemple , si la personne a comme porte principale l’affectivité et le sentiment , l’accompagnant devra, une fois l’alliance faite, aider au développement de celui de la pensée afin que la personne puisse concevoir la situation, ou la relation qui fait souffrir , sous un autre angle. Si la porte principale est la pensée , il faudra alors procéder dans le sens inverse.
Enfin, la troisième porte de Paul Ware est “la prote piégée”. il ne faut surtout pas utiliser , tant que la sécurité , l’estime et la confiance de la personne ne sont pas consolidées.La solliciter trop rapidement viendrait réactiver, de façon violente , les mécanismes de défense, augmenterait les angoisses , et par conséquent empêcherait de changer de vision et de faire l’expérience de la nouveauté., nécessaire pour reconsidérer la situation ou la relation.
Dans les trois registres de communication , la fluidité demande l’acquisition des maturités psycho-affective, de pensée et de conscience, afin d’être confortable dans nos relations systémiques avec notre environnement.
Nous avons tous des croyances limitantes , qui sont renforcées par la peur du jugement conscient et inconscient , mais aussi d’interdits qui nous empêchent d’être qui l’on “Est”. Ils contribuent à nos souffrances. Parvenir à s’en libérer demande d’être accompagné, de façon neutre et bienveillante, si l’on veut parvenir à lâcher notre vision auto-jugeante qui crée notre souffrance.
Changer de vision n’est pas du domaine de la volonté consciente. Par conséquent , mettre à jour ces mécanismes inconscients semble le seul moyen pour parvenir se libérer de ce qui nous en empêche.
Malheureusement , on entend trop souvent des phrases assassines pour celui qui souffre comme “s’il avait un peu plus de volonté il y parviendrait”. Ces remarques ne tiennent évidemment pas compte de ce qui se cache derrière cette impossibilité. Trés souvent , un manque d’estime et de confiance en soi ainsi qu’une dynamique dévalorisante créent le blocage.
Changer et guérir cette souffrance demande , sans nier , ni le vécu, ni le connu de la situation, de parvenir à se détacher , et faire le deuil des attentes idéalisées et illusoires qui ne seront , en aucun cas, satisfaites ni réalisées.
Dés que l’on parle de prendre sa place, ou de l’avoir , on parle de l’espace psycho-affectif , que l’on souhaite occuper dans la relation à l’autre , au groupe, ou dans un environnement donné. Si l’on accepte que notre place dépend de l’Autre, c’est que ,votre vision de nous même n’est pas libre.
Alors , on peut concevoir que la souffrance traduit la dynamique de dépendance, qui s’exprime en sentiment de rejet , d’exclusion, d’abandon , de non acceptation, d’isolement ,de solitude , etc… Par conséquent , ce qui produit cette souffrance est le résultat de ce paradoxe ou de ce conflit interne, que se jour entre un désir d’exister dans la relation d’une part, et la sensation de ne pas y parvenir d’autre part. il en résulte une décision consciente ou inconsciente qui est de s’exclure de soi-même pour se libérer de l’angoisse ou du mal-être que produit le conflit.
Le plus terrible dans tout cela, c’est que la personne prise dans cette dynamique ne se rend pas compte qu’elle est victime de sa propre vision et que c’est cette dernière qui lui fait vivre inquiétude, timidité, honte, malaise, culpabilité et sentiments divers et l’empêche d’agir , de se montrer , de se placer ou de se déplacer pour répondre à son besoin de prendre ou d’avoir sa place.
La souffrance de ne pas avoir sa place est d’autant plus importante que le besoin de reconnaissance est important. Le type de personnalité de chacun , selon sa sensibilité, ne sera donc pas affectée par des comportements ou des agissements de la même façon qu’un autre.
On en revient donc à l’importance de l’autonomie. Elle est nécessaire pour relativiser et se détacher des attentes illusoires et spécifiques que l’on pourrait attendre de personnalité inhibées ou handicapées dans le registre des signes de reconnaissance. Celles-ci ont , au mieux , la capacité d’en offrir , mais seulement dans le registre négatif.
il est important de rappeler que ceux qui ne savent ni donner , ni recevoir de signe de reconnaissance positif, sont eux-mêmes , dans l’incapacité d’en accepter vraiment. Les accepter pourrait leur faire ressentir de l’insécurité , ce qui remettre en question le scénario de survie , avec lequel ils ont appris à s’affirmer pour s’adapter.
Le sentiment de ne pas “être à sa place” ou d’avoir peur de la prendre , trouve donc son origine dans les croyances et la vision scénique de la personne . Ce qu’elle revivra tôt ou tard aussi bine dans sa vie de couple, en groupe , ou dans le travail , tant qu’elle n’aura pas pris conscience que ce sont ses auto-jugements de dévalorisation conscients et inconscients qui en sont l’origine.
cette réflexion invite à se questionner sur cet espace réel ou symbolique , qui empêche chacun de se sentir accueilli, voir rejeté et s’interroger si parvenir à prendre sa place demande de :
- Gagner un combat pour la conquérir ?
- Lever des interdits?
- Lâcher la peur du danger à vouloir la prendre?
- Savoir si elle est la conséquence du genre, d’un handicap, de l’âge , de l’origine ethnique, d’un manque de compétences , ou simplement du à la peur de ses propres jugements?
Elle invite également à tenter de répondre aux questions suivantes :
- Peut-on se libérer des angoisses de la peur du jugement?
- Peut-on modifier le regard des autres ou simplement le notre?
- Peut-on en guérir?
- Comment?
- Faut-il changer d’environnement ?
- Doit-on s’adapter pour avoir sa place si l’environnement est vraiment hostile?
- Peut-on faire autrement ?
- Faut-il agir sur l’environnement ou simplement sur notre propre regard pour avoir sa place?
Y répondre n’est pas simple.
Changer de vision demande de développer sa maturité affective , de s’ajuster , de changer notre représentation , de bien discerner l’hostile de ce qu’on imagine l’être, et surtout d’explorer l’espace psychologique et philosophique des valeurs qui nous font agir.
La philosophie Claire Marin, dans son livre, “Etre à sa place” explore toutes les places que chacun peut occuper quotidiennement , volontairement, ou contre son gré. Elle apporte un éclairage sur la place perdue et celle que l’on redoute de perdre. Elle questionne ainsi les désirs personnels, les impératifs sociaux.Elle fait réfléchir, à savoir si on finit par la trouver, si ça n’est pas le propre de la place d’être déplacée sans cesse , et dans ce cas , l’importance de cesser de croire que l’on peut s’y installer une bonne fois pour toute.
Pour François Roustang , psychanalyste , hypnothérapeute et et philosophe de renom, être à sa place , c’est supporter que l’environnement puisse être rapporté à nous , que nous prenions forme en fonction de lui et qu’il prenne forme à notre égard.
Ce qui permet de comprendre que prendre , ou reprendre sa place correspond à une dynamique interne , qui pousse chacun à se demander , si être à sa place, se sentir exister et se positionner confortablement dans une situation , n’est pas plutôt dù à une vision qu’a un situation réelle.
Cette place qui nous fait souffrir correspond-t-elle du coup à celle :
- Que l’on pense devoir tenir ou avoir ?
- Que l’on veut vraiment tenir ou avoir ?
- Que l’on peut réellement tenir?
- Que l’on désire réellement ?
- Sur laquelle on joue son devenir?
- Ou une toute autre raison.
Mais aussi , est-elle:
- Indissociable de nos dépendances et de nos conditionnement ?
- Compatible avec nos compétences?
- La réponse à des injonctions consciente, ou inconscientes ?
- etc…
Toutes ces questions ne sont, bien évidemment pas exhaustives. Elles nécessitent des réponses , si l’on veut savoir si la place recherchée est une place pour s’adapter à son entourage, ou si elle est bien celle que l’on veut vraiment. Les réponses apportées par chacun devraient conduire à s’interroger aussi sur ses besoins de liens , d’attachement et de sécurité relationnelle , mais surtout sur la maturité affective nécessaire à développer pour y parvenir.
Trois talents pour y parvenir sont utile à developper:
- L’ économie de signes de reconnaissance.
- L’ estime de soi et la confiance en soi.
- La fluidité dans l’utilisation des canaux de communications.
Ce qui obligera sûrement à évaluer et mettre à jour les inconvénients à :
- Changer de vision et de perception de la situation.
- Changer de scénario qui , malgré la souffrance , procure un certain nombre de bénéfices secondaires auxquels il est nécessaire de renoncer.
- Changer de point de vue , en partie ou complètement , du fait qu’il modifiera la relation idéalisée.
Ces constats permettent de mieux comprendre toutes les difficultés à pouvoir changer pour prendre sa place rapidement.
Pour terminer , voici quelques postulats pour faciliter le changement :
- La puissance de la personne correspond à sa capacité à actualiser son potentiel, dans ses actions au présent.
- Son pouvoir correspond à sa capacité à lâcher le contrôle pour laisser advenir le possible, ce qui contribue à un développement de la confiance en soi.
- Changer sa vision de la relation ou de la situation est le résultat de son lâcher-prise, ce qui contribue à une augmentation de l’estime de soi.
- Avoir sa place est le résultat de la sécurité mise en mouvement dans la relation conjointe aux trois précédents.
ils permettent de répondre ainsi aux inquiétudes légitimes telles que :
- Vais-je décevoir mon entourage habitué à la façon de m’adapter ou de me montrer?
- Vont-ils me rejeter, ne plus m’apprécier, m’ignorer , m’abandonner?
- Vais-je mettre en danger ma dépendance affective et le lien tissé avec mon entourage , si je prends ma place de façon sécure aujourd’hui.
Ce changement ne pouvant se faire d’un coup de cuillère à pot, accompagner cette souffrance , de façon écologique et avec bienveillance, devient d’autant plus important qu’il conduira la personne à passé d’une position de survie à un positionnement authentique dans ses relations.
Affirmer son désir et prendre sa place , c’est accepter de se différencier . Agir pour y parvenir, c’est l’aventure que chacun entreprend pour s’affirmer et s’exprimer sans connaitre ni l’issue, ni le résultat de l’action engagée.Être à sa place , c’est pouvoir , consciemment et inconsciemment , accepter d’être l’acteur et le responsable de sa vie.
Changer de vision demande de lâcher-prise. Il est important de ne pas concevoir le lâcher-prise comme le fait de laisser tomber ou comme une obligation de rompre avec l’affaire, le problème , la personne, mais plutôt comme le besoin de changer de regard sur la situation, ou. la personne, tout en restant fidèle à soi-même , mais en renonçant à celle voulue où idéalisée par le passé.
Prendre sa place c’est pouvoir être libre , avec une vision non jugeante de soi. C’est savoir s’adapter à la relation ou à la situation sans se sentir prisonnier , ni rejeté. Cela me semble illustrer les dires des philosophes Claire Marin et François Roustang.
On peut donc définir ce travail d’accompagnement comme un travail heuristique. En effet , il s’agit de l’art d’inventer et de découvrir des solutions en résolvant les problèmes à partir de connaissances incomplètes , dans un temps limité, par des essais-erreurs. Ce processus permet à la personne d’aboutir à des solutions acceptables , tout en dégagent des règles courantes qui participeront à la résolution du problème identifié.
Voici pour terminer un résumé avec la représentation ci-dessous: