La honte, sentiment censé protéger du jugement extérieur et qui, paradoxalement, s’alimente de nos croyances, de nos représentations et de nos vécus internes.
Le sentiment de honte est un sentiment conflictuel qui résulte de l’inhibition de l’élan de vie confronté à un interdit social ou moral.
Il se réactive de façon systémique dès qu’une personne cherche à éviter un possible risque d’être ou de se sentir à nouveau jugé.
Ce qui rend difficile à vivre ce sentiment, c’est que la personne le vit comme étant jugée par l’extérieur, alors que la source de ce jugement provient de la mise en place, par l’auteur, d’une défense qu’il généralise. Cette défense consiste à vouloir protéger la personne du même jugement, en la projetant sur des personnes ou des situations imaginaires, dans le but d’éviter de revivre l’expérience douloureuse passée, mais qui paradoxalement va le lui faire revivre.
La honte est donc un mécanisme d’évitement qui a pour objectif de protéger d’une souffrance ou d’une frustration déjà vécue par le passé. C’est un mécanisme paradoxal qui est projeté sur des personnes ou des situations, dans le but d’atténuer préventivement toute sensation désagréable qu’on imagine et qu’on redoute.
La honte est un sentiment. Elle est présente dès la conception du petit d’homme.
Elle est l’une des premières défense mise en place pour protéger et préserver ce « moi » naissant, en construction. Elle reste plus ou moins présente de façon consciente ou inconsciente selon l’importance de nos blessures. Ce sont les différentes expériences ultérieures, plus ou moins bien vécues, qui permettront, ou pas, de s’en libérer voire de s’en guérir. Elle est repérable lors de manifestations de pudeur qui se traduisent par un rougissement embarrassant pour la personne. On l’observe aussi à travers des comportements qui en témoignent lors d’échanges verbaux et non verbaux.
Le petit d’homme la conscientise dès la phase de différentiation. Elle semble être la défense la plus à même pour protéger son « moi » en construction et, bien que souvent handicapante, semble être incontournable dans la construction de la personnalité.
Si la personna (le masque) est l’image à laquelle chacun s’identifie, la personnalité, bien qu’ayant une certaine constance, se développe et évolue au rythme des apprentissages qui contribuent à son évolution de conscience tout au long de l’existence.
La personnalité avec laquelle chacun se définit et à laquelle il s’identifie est le résultat d’une dialectique entre conscient et inconscient. Elle se développe à travers des échanges d’informations entre l’intérieur et l’extérieur. Elle se construit en engrammant dans nos mémoires cette interprétation que chacun fera de façon spécifique.
Ces échanges qui sont à la fois verbaux, non verbaux et para-verbaux sont des transactions porteuses d’informations. Ils proviennent de l’extérieur, de la part de nombreuses figures de références ou d’autorités et ils trouvent, ou pas, un eco et une résonance avec la personne. Ce sont eux qui contribueront aux interprétations propres, intuitifs et logiques de chacun. Les interprétations du « moi » ou de l’enfant intérieur seront à l’origine de nos représentations et composeront la cartographie et les bases de notre réalité et de notre vérité.
Ces interprétations, l’analyse transactionnelle les observe à l’aide de son concept appelé système de scénario qui permet de repérer la coloration spécifique de chaque personnalité.
Le sentiment de honte est issu de ce dialogue interne et paradoxal comme vous l’avez compris. Il informe sur les croyances que chacun a sur soi, les autres et le monde et elles devront être revisitées, remises en question avant de s’en libérer et s’en défaire.
Pour s’en libérer un processus permet de déconstruire progressivement la vision et les représentations qui sont à l’origine de la souffrance. Cela ne sera pas sans quelques résistances psychiques, que la personne développera pour se défendre de ses propres représentations et pour éviter de revivre la ou les souffrances passées. Y parvenir va donc demander de mettre en place une possibilité de pouvoir expérimenter une nouvelle vision de l’événement qui, du coup, induira le mécanisme de libération.
Pour cela, le travail consiste à mettre à jour les croyances, les représentations et autres éléments qui constituent la vérité de la personne. Puis ce sera de l’aider à conscientiser que ce sont ses représentations qui l’agissent et qui la font agir. Cette étape est importante pour qu’elle puisse ensuite modifier et déconstruire certaines des composantes de sa vision. Elle devra le faire dans un cadre sécure et bienveillant qui lui donnera la possibilité de s’exprimer sans être jugée. Ce sont des conditions incontournables sans lesquelles la personne souffrante de la honte ne pourra pas se risquer à déconstruire sa réalité. Réalité qui jusque là l’empêche d’exprimer son élan vital de façon juste et authentique.
En résumé on peut dire que la honte est le résulta de la rencontre d’un désir et d’un interdit. Que le désir est l’expression de la vie qui prend sa source à l’intérieur, dans un magma pulsionnel qui veut pouvoir s’exprimer de façon plus ou moins acceptable vers l’extérieur. Que l’interdit correspond à des règles sociales explicites ou implicites qui ont été posées pour rendre admissible et conforme les désirs qui ne sont pas toujours compatibles et respectueux d’un vivre ensemble en collectivité. L’interdit est quant à lui une règle ou une loi imposées par un tiers extérieur (personne, institution, morale) qui oblige de contenir les désirs non élaborés et pulsionnels dans le but de maintenir l’homéostasie d’un vivre ensemble. Les interdits Freud les représentent par une instance psychique prévue pour réguler les pulsions et il la nomme le Sur-moi. L’analyse transactionnelle, et son fondateur Éric Berne, les représente par l’instance parentale, en particulier par le parent « critique « .
Les règles et les interdits ont donc des sources aussi diverses que possible. Ils sont exprimés de façon explicite par une autorité, ou transmis de façon implicite par la culture, la philosophie, la vision religieuse et la coloration politique de l’environnement. Ils sont à l’origine des valeurs qui, bien que pas toujours universellement présentes en chaque individu, peuvent être rendues universelles, en fonction de l’évolution de conscience qui peut être proposée par de nouvelles visions, de nouvelles interprétations qui seront plus adaptées que celles mises en place durant la petite enfance.
Le seul protocole pour le faire et de s’en libérer semble être :
– La prise de conscience de la souffrance.
– La possibilité d’expérimenter la situation dans un contexte bienveillant et sécure.
– La mise en mots pour déconstruire la ou les représentations que l’on se fait de notre réalité.
– La redécision qui permet de reconsidérer l’événement différemment.
C’est ce que nous offrons à ceux qui participent aux ateliers que l’on propose dans la Dynamique Evolutive du Changement.
Jean Marc Farahmand
Pau le 20 février 2018