La peur cette émotion mal aimée qui nous oblige à donner du sens.
La peur, l’une des quatre émotions principales, présente en chacun est un signale/un langage qui a pour fonction de nous protéger. Elle se décline sous différents termes comme stress, crainte, méfiance, anxiété, trac, angoisse, terreur, phobie, paranoïa, etc… Ils indiquent simplement des degrés divers d’intensités.
Elle est la source ou le résultat des plus grandes souffrances humaines.
Comme le dit Betty Alice Ericksonne, fille de Milton, il y a deux sortes de peurs :
- La peur du Lion, c’est-à-dire des événements réels et
- La peur de notre imaginaire.
Nous vivons au quotidien avec les deux, souvent le plus difficile est de repérer les peurs de notre imaginaire et de s’en détacher. Les difficultés de les repérer sont souvent dues au fait qu’elles peuvent se cacher derrière d’autres émotions, que l’Analyse Transactionnelle désigne sous le terme de « racket », c’est-à-dire qui, comme pour le train, une émotion peut en cacher une autre.
Par exemple une personne qui montre qu’elle est triste alors qu’elle est en colère ou celle qui est en colère alors qu’elle a peur, etc.
C’est en partie pour cela que la peur est souvent tapie, cachée derrière la plupart des comportements violents.
Si la fonction de la peur est de protéger, elle peut aussi devenir notre prison.
- Alors voyons d’abord les peurs que B.A.E. désigne par peur du Lion ou réelle.
On peut dire qu’elles correspondent à toutes situations, actions, ou relations objectives qui peuvent mettre en danger l’intégrité physique ou psychique de la personne.
- Pour les situations, ce sont celles dont les conséquences dommageables peuvent, ou pas, être évitées.
- Par exemple traverser une route ou il y a de la circulation, vivre pendant une guerre…
- Pour les actions, ce sont celles qui peuvent mettre en danger l’auteur ou son environnement.
- Par exemple le saut à l’élastique, un feu de campagne ….
- Pour les relations, ce sont toutes celles qui menacent l’intégrité physique ou psychique.
- Par exemple les comportements violents envers soit ou envers les autres.
Ces peurs sont faciles à nommer, facile à donner du sens, facile à repérer, souvent facile à en connaître les causes, à les comprendre et à les accepter.
- Maintenant, pour définir toutes celles que B. A. E. désigne par imaginaire :
On peut dire qu’elles appartiennent à notre intériorité, à notre subjectivité. Elles s’expriment le plus souvent à travers le langage somatique. Elles s’élaborent à travers des représentations que notre imaginaire met en image, en mots, en paroles et en comportements pour exprimer un sens qui nous est propre, celui que l’on partage avec nos semblables. C’est cette subjectivité et cette créativité qui sont à la fois à l’origine de nos meilleurs comme de nos pires croyances scénariques.
Nous savons aujourd’hui que le processus de préservation de l’espèce est géré par notre cerveau reptilien instinctuellement et qu’il réagit de façon automatique à tout ce qui peut représenter une menace pour la vie du système. Nous savons aussi que cette réaction automatique se manifeste à travers trois réponses bien connues qui sont : l’attaque – l’inhibition – la fuite. Mais nous savons aussi que si ces réactions sont salutaires lors de peurs définies par BAE comme « réelles », elles le sont moins lors de peurs subjectives. L’inconvénient de ce mécanisme c’est que pour le cerveau il n’y a aucune différence entre les peurs objectives ou « réelles » et les peurs subjectives ou « imaginaires ». Il y réagi de façon identique. C’est pourquoi seul le sens donné aux informations qui sont traitées et véhiculées peut permettre de différencier l’une de l’autre. Le sens est la seule option pour changer notre perception des choses, pour voir l’événement sous un nouvel angle, ce changement dans le langage courant est désigné par : recadrage, prise de recul, lâcher prise ou faire le deuil
Le sens, si l’on essaie de le conceptualiser, on peut dire que c’est un mécanisme complexe qui permet de relier le ressenti kinesthésique, émotionnel, corporel, avec l’imagerie mentale de l’imaginaire. C’est ce sens subjectif que l’on transmet à travers le langage verbal, non verbal et comportemental.
Le sens, Boris Cyrulnik dans « Éloge de la peur » le défini comme un contenu psychique, il l’illustre en disant : » la peur est bien plus liée à l’idée que l’on se fait des choses qu’à la perception que l’on en a » .
Si l’on accepte ce postulat, cela devient évident que ce sont nos représentations, qui sont à l’origine de l’intensité de nos sensations agréables comme désagréables. L’objet de cette échange n’étant pas de décliner les différentes peurs et angoisses, alors je vous propose d’orienter notre réflexion sur la peur de l’autre et la peur de la relation.
Donc avant d’aller plus loin, il est bon de nous rappeler que le danger n’est pas toujours la ou on le croit ! Alors que nous voyons sa source à l’extérieur de nous même, elle est le plus souvent lovée au plus profond de nos croyances, celles que l’on a sur nous, sur les autres et sur le monde et qui constitue notre scénario de vie (concept A.T.) .
Il y a bien des façons pour aborder ce sujet, aujourd’hui je vous propose qu’on le regarde sous l’angle de notre évolution psycho-affective dans nos relations aux autres.
En dehors des trois angoisses que tout individu traverse lors des trois premières années de son existence, « je fais référence au fondement psychanalytique- Freudien », il y a cette autre que Christophe André nomme angoisse Sociale (voir psychologie de la peur), à laquelle je vous propose de porter un intérêt particulier maintenant. Cette angoisse, ou peur est activée par les représentations, que l’on a de l’Autre et qui sont le plus souvent le résultat de nos apprentissages passés, en particulier celles de nos expériences vécues lors de notre petite enfance (je fais référence à la théorie du lien de J. Bolby
Alors pour commencer à leur trouver du sens, je vous propose de façon tout à fait subjective quatre grandes catégories :
- La peur de ne pas exister ou de mourir, qui nous oblige à développer notre confiance et l’acceptation de notre finitude.
- La peur de ne pas pouvoir » faire » ou d’être impuissant, qui nous oblige à développer l’acceptation que nous ne sommes pas tout puissant et nous oblige à développer l’humilité.
- La peur de ne pas savoir ou de ne pas connaître, qui nous oblige à accepter d’être dans un apprentissage permanent et de se donner du temps.
- La peur de ne pas réussir à » Vivre » sa vie, qui nous oblige à s’aimer comme on est et à oser être qui l’on est.
Ces quatre catégories nous les retrouvons dans les peurs sociales les plus courantes dont:
- La peur d’être abandonné/rejeté, qui nous pousse à une suradaptation jusqu’à nous rendre dépendant de la volonté de l’autre.
- La peur d’avoir honte, qui pousse à développer l’orgueil ou l’arrogance vertueuse jusqu’à renoncer à ce que l’on voudrait de peur du jugement de l’autre.
- La peur de nos désirs, de ne pas atteindre nos objectifs, qui nous pousse à nous dépasser et dépasser nos limites, nos ambition, pour une meilleure estime de soi, dans le but, même bien caché, de prouver quelque chose, à l’autre ou aux autres.
Le point commun à l’ensemble de ces peurs est la peur du jugement, la peur du regard de l’autre, la peur de ce que pense l’autre, la peur qu’il ne nous aime pas ou qu’il ne nous apprécie pas. Ces peurs nous informent juste du degré de la mauvaise estime que l’on a de nous même et des secteurs de vie dans lesquels nous nous dévalorisons.
Comme le décrit si bien Paul Wazlawick dans « Comment faire son propre malheur » la peur du jugement est toujours due à nos propres discours internes, nous n’avons nullement besoin de la présence d’un tiers pour nous la provoquer. C’est pour cela que l’on a toujours besoin d’abord d’un référent externe (ex. thérapeute, ami, lecture, etc.) , puis interne (ex. Adulte (concept d’AT), d’une conscience élargie, d’expérience de groupe réussie, etc.) pour nous aider à prendre le recul nécessaire et pour s’en détacher.
Le plus difficile dans ce travail de détachement sans un tiers externe est que chaque fois que nous faisons une expérience, nous la généralisons, puis nous la classons dans nos interprétations passées et connues et, comme ils sont à l’origine du conditionnement de notre vision du monde, la prise de recul devient un exercice compliqué.
Pour illustrer mon propos, je vous propose de vous représenter un cycliste, nez sur son guidon, qui trace sa route et qui pour s’assurer de son équilibre et sa sécurité ne peut absolument pas observer la diversité du paysage. Cette diversité, dans notre cas, correspond à la possibilité de ralentir, c’est à dire réfléchir avec un tiers (*) ce grand Autre cher à J.Lacan pour découvrir les divers choix possibles, avant de pouvoir changer notre regard, nos comportements donc nos croyances, nécessaire pour se libérer de nos peurs.
Alors pour revenir à cette émotion que nous n’aimons pas franchement et à sa fonction, on peut la voir comme une source présente dans notre existence qui nous permet, nous pousse, nous oblige à donner du sens à tout, car la source de nos plus grandes angoisses est et reste le « non sens » des événements.
Le besoin de sens nous le retrouvons au quotidien lorsque par exemple :
- Malade, nous imaginons le pire jusqu’à ce qu’un médecin ou un référent nous pose un diagnostic, il est intéressant d’observer qu’une fois fait, notre calme revient même provisoirement.
- Nous rencontrons une personne peu connue et avec qui nous ne savons pas ce que nous allons faire ensemble, il suffit que l’un de nous précise son intention, donc lui donne un sens, pour sentir « ouf » ça va mieux.
- C’est probablement pour cela que la mort reste toujours celle à laquelle il est le plus difficile de donner du sens.
Si je devais trouver un point commun à l’ensemble de ces peurs, il me semble que la souffrance, à des degrés et intensités de vécus (toujours subjectifs), en serait le dénominateur commun. Cette différence observable lors d’une séance d’acupuncture, d’une opération, d’une maladie, d’un changement, d’une séparation, d’un deuil en est son illustration. L’exemple extraordinaire de Christiane Singer dans « dernier fragment d’un long voyage » me semble la plus belle illustration de cette subjectivité en ce qui concerne la maladie et la mort.
En conclusion
Si nous acceptons que c’est notre créativité qui permet à la peur de prendre autant de formes, de masques, de modes, de manifestations et qu’elle nous oblige et permet de trouver du sens aux choses, événements , bref à la Vie en générale, nous pouvons postuler alors que :
- La peur de la mort oblige à trouver du sens à la vie.
- La peur de la maladie oblige à donner du sens à être en santé.
- La peur de l’abandon oblige à donner du sens à être en lien.
- La peur de l’exclusion/rejet oblige à donner du sens à notre appartenance à une communauté.
- La peur de la responsabilité oblige à donner du sens à notre besoin d’autonomie.
- La peur de l’autre oblige à développer et à donner du sens de l’altérité et à la différence, etc., etc.
C’est probablement pourquoi Christophe André et d’autres proposent que les thérapeutes et toutes personnes qui veulent s’aider et aider l’autre à sortir de la peur, développent une créativité pour pouvoir trouver des antidotes à ce poison que seul le sens, celui que l’on veut donner à sa vie, peut permettre. Ce sens impératif est probablement la seule option pour ceux qui veulent vivre leur vie pleinement et confortablement.
L’angoisse sociale étant le plus grand pouvoir que chacun donne à ce grand Autre (J.Lacan). On comprend qu’elle soit à l’origine de la plupart de nos états de mal être. Le meilleur antidote à ce mal être semble être notre capacité à s’aimer comme on est, oser montrer qui l’on est et comme on est, non pas narcissiquement pour prouver aux autres que l’on est le plus grand, le plus fort, le meilleur, mais seulement pour notre propre salut.
Claude Steiner propose pour y arriver de developer une hygiène de vie pour pouvoir voir le plus souvent le verre à moitié plein. Il nous dit qu’il est important de développer notre alphabet émotionnel que sont livre , « les contes Chaud et Doux des Chaudoudoux » illustre remarquablement. C’est ce qui me fait dire que si nous arrivons à développer de la bienveillance vis à vis de soi même comme de l’autre, nous devrions progressivement arriver à lâcher nos peurs de la relation et dans nos relations et arriver à une véritable altérité.
C’est ce que je nous souhaite à chacun.
Merci de votre attention.